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Photo du rédacteurAline Baudry-Scherer

Pourquoi assumer sans honte son addiction à la Chronique des Bridgeton ?

Dernière mise à jour : 24 janv. 2021



Quand vous regardiez Hélène et les garçons, à 13 ans, vous saviez déjà que l’avouer en public vous aurait vouée à la vindicte populaire dans la cour du collège. Même sentiment pour les romans Harlequin que vous avez dévorés en cachette à 17 ans, et c’est encore pire aujourd’hui quand vous vous faites deux ou trois romances de Noël sur Netflix : vous vous êtes sensibilisée depuis aux questions féministes, et vous vous en voulez de cautionner un tel ramassis de clichés, et de vous placer volontairement sous perfusion de ce concentré de patriarcat…


Et voilà que « La Chronique des Bridgerton » débarque sur Netflix dans une série de huit épisodes. Vous cliquez, vous bingez, et vous voilà en train d’échanger avec vos bonnes copines des gifs du Duc de Hastings qui lèche sa cuillère (et c’est marrant, si on change quatre lettres à « cuillère », ça fait « clitoris ». Coïncidence ? Je ne crois pas…).


Vous vous dites que vous êtes retombée dans les travers de la romance hétéro mainstream, l’amour impossible entre le beau ténébreux et la jeune ingénue, les belles robes comme dans Sissi… Vous qui aviez prévu en 2021 de réviser vos références culturelles façon intello engagée, on est à peine le 10 janvier et c’est déjà foutu.


Ne paniquez pas, assumez, tout va bien ! Bridgerton est un cas à part, et vous pouvez l’aimer sans culpabiliser. Pourquoi ?


Parc que le Duc de Hastings est super hot…



D’abord, évacuons tout de suite le point sensible : parce que son personnage masculin principal, le Duc de Hastings, joué par Regé-Jean Page, est une bombe atomique. Séduisant, sexy, des tablettes de chocolat à faire pâlir Grosquick… En quoi c’est un argument recevable ? Mais parce qu’il existe tellement de films et séries dans lesquels le male gaze est de rigueur, dans lesquels on flatte la libido des hommes hétéros avec des personnages de femmes très sexualisées, que s’accorder de flatter un peu la vôtre, pour une fois, c’est un simple – et juste – rééquilibrage.


Parce que le plaisir féminin compte, et le respect des comédiens aussi.



D’ailleurs, et c’est le deuxième argument, parce qu’on y assiste à des scènes de sexe torrides, sans jamais avoir l’impression de faire du voyeurisme, et sans qu’elles s’éternisent inutilement. Pas un téton n’apparaît, et pourtant l’effet est là, parfaitement réussi, et franchement brûlant. Le secret ? La production a eu recours à une coordinatrice d’intimité, Lizzie Talbot. (1) Un métier relativement récent, pour un domaine relativement sensible. Avec elle, les scènes de sexe sont parfaitement chorégraphiées, comme des scènes de combat, et le dialogue en amont avec les comédiens leur permet de poser leurs limites : ce qu’ils acceptent de montrer ou non, les positions dans lesquelles ils sont plus à l’aise… Ils savent quel mouvement suivra au précédent, où se posera la main de leur partenaire… Ici pas de risque d’abus façon Kéchiche ou Bertolucci, on sait que les comédiens sont respectés. Ils sont en confiance, parfaitement à l’aise, et c’est sans doute ce qui rend le résultat si réussi ! Sans compter qu’on y fait la part belle au plaisir féminin : la jeune Daphné, totalement ignorante des choses de la vie, découvre ainsi les joies de la masturbation, avant celles d’un cunnilingus d’anthologie dans un escalier avec un homme qui lui demande, alors que la tension sexuelle est à son comble : « Do you want me to stop ? » (3). Si on avait encore besoin d’une preuve que le consentement, c’est sexy, alors la voilà.


Parce que Bridgerton passe le test de Bechdel.


Une autre raison, et pas des moindres, d’assumer son penchant pour Bridgerton, c’est que la série passe – haut la main – le test de Bechdel. Imaginé en 1985 par Liz Wallace et Alison Bechdel, ce test est devenu un outil féministe pour juger de l’aspect androcentré d’un film. Il consiste à répondre à ces trois questions (2) :

- Y a-t-il au moins deux femmes nommées dans l’œuvre ?

- Leur arrive-t-il de parler ensemble ?

- Et parlent-elles d’autre chose que d’un homme ?

Évidemment, s’il vise à mesurer, dans les grandes lignes, le sexisme présent dans un certain nombre d’œuvres de fiction, son objet n’est pas de fournir une preuve irréfutable qu’un livre ou un film est féministe, loin de là. Mais l’indicateur est rassurant. Dans Bridgerton, pas de doute, les femmes sont nombreuses. Et si le sujet principal de préoccupation des mamans de la bonne société, sous la Régence anglaise, demeure le mariage de leurs filles avec le meilleur parti possible, il n’en reste pas moins qu’on découvre certaines fortes personnalités, indépendantes et libres d’esprit. A commencer par la mystérieuse Lady Whistledown, qui dévoile sans tabou les secrets de l’élite londonienne, ou encore Eloise Bridgerton, féministe avant l’heure, et dont on a hâte de suivre l’évolution dans les possibles prochaines saisons.


Parce que le casting est très inclusif



L’histoire des Bridgerton se déroule en 1813, sous le règne du roi George III et de son épouse, la reine Charlotte. Celle-ci tient dans la série un rôle important, et contre toute attente, elle est métisse. Dans la réalité historique, et bien que les historiens ne soient pas tous d’accord, Charlotte aurait effectivement eu une ascendance africaine (4). Mais les producteurs et réalisateurs Shonda Rimes et Chris Von Dusen ne se sont pas arrêtés là : avec la volonté d’un casting métissé, ils se sont demandé quelle société aurait vu le jour si la reine Charlotte avait fait de sa couleur de peau un choix politique d’inclusion. Ils en tirent un univers certes anachronique assumé à différents niveaux, mais dans lequel, même si toutes les origines ethniques ne sont pas représentées, la question du racisme ne se pose pas. Cela donne l’aperçu d’un monde dans lequel l’égalité entre noirs et blancs n’est même pas une question, et à vrai dire, c’est très reposant. Et franchement militant.


Parce que les acteurs sont engagés



Représenter plus de personnes racisées, y compris dans les films historiques, c’est aussi , dans la mouvance « Black Lives Matters », le combat de Regé-Jean Page. L’acteur britannico-zimbabwéen joue le rôle du très fameux Simon Basset, duc de Hastings. Sa volonté n’est pas seulement de transmettre les douleurs et les souffrances des personnes de couleur : « Nous avons tous eu de la romance, du glamour et de la splendeur. Représenter cela est extrêmement important, car les films d'époque pour les personnes non-blanches ne devraient pas signifier seulement mettre en lumière un traumatisme. » (5)

En matière d’engagement, Jonathan Bailey, alias le vicomte Anthony Bridgerton, très séduisant (lui aussi) grand frère de la jeune Daphné, n’est pas en reste. Ouvertement gay, il déplore « le sentiment de honte palpable chez les hommes gays de l’industrie du cinéma », et se réjouit de jouer ici un hétéro parmi les rôles principaux. (6)

Quant à Nicola Coughlan, la truculente interprète irlandaise de Penelope Featherington : entre son article dans The Guardian en 2018 pour dénoncer l’intérêt excessif des critiques de théâtres pour les corps féminins, et sa marche de 2019 pour la dépénalisation de l’avortement en Irlande du Nord, son féminisme ne fait aucun doute !


Alors, oubliez une fois pour toutes votre culpabilité, oubliez surtout Hélène et les garçons, et arrêtez de penser que parce qu’une production fait un carton, elle est forcément sans intérêt pour votre esprit d’exception. Assumez votre coup de cœur pour cette série feel-good, certes, romantique je vous l’accorde, mais aussi intelligente et engagée.



(3) « Est-ce que tu veux que j’arrête ? »






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