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  • Photo du rédacteurAline Baudry-Scherer

Hypersexualisation des fillettes : tous un peu cons, un peu complices

Dernière mise à jour : 21 janv. 2021


Article publié en mars 2012 sur le site de Gaëlle-Marie Zimmerman A Contrario, fermé depuis.

Chantal Jouanno a rendu hier son rapport sur l’hypersexualisation des fillettes. Une question délicate, quand on considère qu’une société équilibrée se construit dès l’enfance de ses membres. Et que l’égalité hommes-femmes en est une composante essentielle. Et que pour couronner le tout, on a une fille de sept ans. Un phénomène dérangeant En effet, ce rapport fait froid dans le dos. Non parce que certaines des solutions qu’il propose, comme le port de l’uniforme à l’école, semblent tout-à-fait inappropriées au regard de l’étendue et des implications du problème, mais surtout parce qu’on n’avait pas forcément pris conscience de l’ampleur du phénomène. L’hypersexualisation des petites filles, c’est le fait qu’elles s’habillent de façon sexy et provocante, maquillage, string et talons à l’appui, dès huit ou neuf ans. C’est-à-dire avant même la puberté, qui arrive vers treize ans, avec les premières règles. Si certains parlent pour cette tranche d’âge de « préadolescence », d’autres, comme Catherine Monnot, n’hésitent pas à considérer cette classification supplémentaire comme une purement marketing. C’est d’ailleurs le marketing, ce grand méchant loup, qui fabrique les icônes auxquelles s’identifient ces fillettes. Les Miley Cyrus, Alizée (en son temps) et autres stars de High School Musical, si l’on peut débattre de leurs talents musicaux, sont, à l’origine, des créations marketing pour très jeunes filles, censés leur vendre du rêve (et des produits dérivés). Or ces Lolitas en guêpières sont, aux yeux des enfants, « trop belles ». Reste à leur ressembler. Quitte à se mettre à la diète, comme 37 % des filles de onze ans.

Mais s’il peut sembler difficile pour des parents de lutter face aux mass media, qui véhiculent allègrement le modèle (la couverture de Vogue avec une fillette de dix ans posant lascivement, très maquillée et en talons, lance la polémique en 2011), ce sont parfois les parents eux-mêmes qui encouragent ce phénomène. L’exemple le plus criant en est le développement des concours de mini-miss, encore bien plus rares en France qu’aux Etats-Unis, on l’on déguise dès quatre ans des petites filles en poupées Barbie aux sourires figés, les faisant défiler en maillot de bain pour une poignée de billets. Mais il suffit de compter les strings et les tubes de rouge à lèvre dans les cours d’écoles primaires pour constater que les parents, s’ils n’encouragent pas forcément, demeurent néanmoins souvent passifs. D’ailleurs, globalement, ce sont quand même eux qui font les courses de culottes. Alors évidemment, il semble relever du simple bon sens de s’offusquer, et de vouloir, par tous les moyens, endiguer ce phénomène. Pour le psychiatre et psychanalyste Didier Lauru : « On les met en pâture aux pédophiles ». Et c’est exactement le problème, parents ou pas, qui nous fait frémir. C’est assez troublant, ça met mal à l’aise de voir ces gamines jouer les femmes fatales. Et la gêne est réelle, car en les accoutrant de la sorte, on met ces filles trop petites pour la séduction face au désir des hommes, trop grand pour elles. On les fait jouer avec des codes qu’elles ne maîtrisent pas, au risque de susciter chez des hommes pas forcément pervers un attrait qui ne devrait pas leur être destiné. Finalement, on les met en danger. Ne pas remettre en cause le droit à la féminité Pourtant, en creusant un peu ces réactions épidermiques bien naturelles, une question se soulève. N’est-il pas également dangereux de condamner une façon trop sexy de s’habiller sous prétexte qu’elle risque de susciter le désir ? En empêchant nos filles de s’habiller ainsi, à cause du danger des prédateurs sexuels (qui ne courent pas les rues non plus, faut pas exagérer), est-ce qu’on ne leur inculque pas l’idée que s’habiller trop court, c’est risquer de se faire violer, et donc implicitement, « si tu te fais violer, tu en portes la responsabilité » ? Car il s’agirait d’un véritable retour en arrière si, pour freiner le phénomène, l’on revenait à une certaine forme d’ordre moral, traduit par des codes vestimentaires rigides. On n’a sans doute pas besoin d’expliquer à nouveau combien l’arrivée de la minijupe fut révolutionnaire en soi. Assumée et extravertie, cette nouvelle féminité autorisait enfin à s’afficher séduisante sans pour autant devenir un objet, mais bien un sujet sexuel. Car c’est bien de liberté sexuelle dont il est question. Et cette liberté-là, difficilement acquise (et pas pour tout le monde, loin s’en faut), fait sans aucun doute partie du socle de l’égalité entre les sexes. A savoir la disparition du « une fille qui couche est une salope, un mec qui couche est un Don Juan ». Bien entendu, les filles dont il est question concernant l’hypersexualisation sont petites, trop petites, et il ne saurait être question de coucher, mais on sait combien ce type de préceptes sexistes est modelé par une foule de comportements et de paroles sans importance apparente, qui s’imprègnent tôt dans les petits subconscients tous mous. Et prohiber systématiquement un style trop « pouffe » en fait peut-être partie. Sans compter que c’est pas comme ça qu’on arrêtera de mépriser les putes… ! C’est sans doute une bonne évolution du féminisme que d’avancer vers l’égalité en valorisant la féminité, toute culturelle soit-elle, plutôt qu’essayer de la supprimer. C’est un point de vue, bien sûr, mais si l’on considère qu’aujourd’hui la féminité existe, et est revendiquée par une majorité de femmes, peut-être doit-on essayer d’en faire une valeur positive et respectable, et non une sous-catégorie du masculin, en plus futile… Et cela passe certainement par l’apprentissage, dès l’enfance, qu’être féminine, voire séduisante, voire sexy, est un droit qui n’implique pas une responsabilité vis-à-vis des éventuelles pulsions suscitées. Alors pourquoi c’est quand même grave ? Dès lors, peut-on totalement considérer que cet état de fait est un problème, et tenter de le résoudre par tous les moyens ? Très certainement.

D’une part parce qu’on vole à ces fillettes leur enfance, et qu’un enfant n’est pas un petit adulte, quel que soit son sexe, d’ailleurs. Et  que si sa sexualité existe, elle ne peut ni ne doit en aucun cas être confondue avec celle des adultes. Nous, adultes, savons utiliser les codes de la séduction, et jouer (entre adultes consentants) avec une jupe courte ou un décolleté plongeant. Les enfants ne connaissent pas ces codes, et ne doivent pas les apprendre trop tôt, au risque d’engendrer certaines confusions. Autant filer les clefs de sa bagnole à quelqu’un qui ne connaitrait pas le code de la route. On condamne vertement, et à raison, les conduites pédophiles, pourtant c’est un comportement ambigu, un peu schizophrène de la part des adultes que cette hypersexualisation. Car elle n’a rien d’une évolution naturelle des petites filles d’aujourd’hui, mais elle leur est imposée par le monde des adultes. Et c’est sans doute la principale raison pour laquelle ce problème doit être pris au sérieux.  Ces fillettes sont conditionnées par des parents ou les mass media à devenir, comme leurs stars préférées, des produits de consommation. C’est le « Sois belle et tais-toi » dans toute sa splendeur, et cela n’a rien de féministe. C’est bien là que s’opère le retour en arrière, qui fait de la femme un objet sexuel consommable, dont le seul objectif dans la vie est d’être choisie par un homme. (Sans même parler de l’hétérocentrisme que ces comportements présupposent.) Il ne s’agit donc pas ici de valoriser la féminité, mais bien de jouer à la poupée (gonflable ?), et donc de construire des jeunes filles dont l’image d’elles-mêmes sera sans doute peu reluisante. Cette passivité n’est en aucun cas assimilable à une prétendue liberté sexuelle future, elle ne fait au contraire qu’ancrer les filles dans des schémas archaïques, les incitant à s’habiller ou se comporter de façon équivoque dans le but avoué de plaire aux hommes, et s’estimer in fine heureuses si elles sont enfin choisies par l’un d’eux. Fut-ce de force. Alors, qu’est-ce qu’on fait ? La valorisation de l’apparence sur les qualités profondes d’une personne atteint ici son paroxysme. Sans être vieille France, en termes de valeurs morales à inculquer, c’est déjà un peu limite. Mais surtout, par pitié, laissons les enfants être des enfants ! Plus tard, adolescentes, laissons aux filles le choix d’être féminines si elles le souhaitent et aidons-les à maîtriser les codes de la séduction (qui est finalement un jeu assez amusant). Et surtout, tordons le cou à ces attitudes (et pendons haut et court les princesses Disney par la même occasion) qui les incitent à attendre d’être choisies par le prince charmant plutôt que de le choisir elles-mêmes !


Et bien sûr, dans toute cette très complexe partie de l’éducation, n’oublions pas d’impliquer les garçons…



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